Alors que la dernière ligne droite est atteinte pour les déclarations de revenus, une réponse ministérielle est venue tardivement (4 ans quand-même !) mais utilement préciser la situation en cas de divorce, pension et remboursement de prêt.
La question
La question en version brute
Mme Annie Vidal interroge M. le ministre de l’action et des comptes publics sur une disposition relative à l’application de la pension alimentaire pour un couple en instance de divorce. Un jugement d’ordonnance de non-conciliation peut condamner l’un des deux conjoints, bénéficiant de la jouissance du domicile conjugal, à régler mensuellement les échéances dues à l’établissement de crédit qui a financé l’achat d’un immeuble en indivis et les assurances de cet emprunt, au titre du devoir de secours entre époux, au profit de celui qui n’habite plus le domicile conjugal et ne supporte plus les échéances de remboursement.
Aussi elle lui demande si ce versement est admis en déduction du revenu imposable de l’époux qui acquitte les remboursements d’emprunt à hauteur du seul montant de la quote-part prise en charge pour le compte de l’autre conjoint. Et corrélativement, si cette somme constitue pour ce dernier un revenu imposable dans la catégorie des pensions en application des dispositions de l’article 79 du code général des impôts.
Annie Vidal – JOAN du 04/09/2018
Vulgarisons le propos
Il s’agit de savoir si l’époux qui prend en charge le remboursement prêt sans effectuer directement de versement à l’autre conjoint peut fiscalement les considérer comme pension alimentaire. Notons que civilement c’est déjà le cas puisqu’il répond au devoir de secours entre époux tel que prévu à l’article 212 du Code Civil.
Rappelons que, dans la très grande majorité des cas, l’acquisition d’un bien immobilier par les époux (résidence principale ou autre), se fait de façon solidaire entre eux, tout comme le remboursement de la dette, dont ils doivent s’acquitter chacun à hauteur de leur revenu respectif (art 214 Cciv).
Le fait que l’un d’eux, pendant l’instance de divorce, n’habite plus dans le logement familial ne met pas fin à cette obligation. Plus largement, rappelons ici que les conjoints en instance de divorce sont toujours conjoints, avec toutes les implications des obligations naissant du mariage donc, mais aussi en cas de décès de l’un d’eux.
Ceci étant dit, que répond le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance ?
Réponse du Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Réponse brute
Pendant l’instance en divorce, le devoir de secours, qui subsiste intégralement tant que les époux ne sont pas divorcés, est exécuté sous la forme d’une pension alimentaire versée entre époux dont les modalités et le montant sont fixés par le juge dans l’ordonnance de non-conciliation. En application des dispositions du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts (CGI), les pensions alimentaires versées en vertu d’une décision de justice en cas d’instance en séparation de corps ou en divorce sont admises en déduction du revenu global du débiteur lorsque le conjoint fait l’objet d’une imposition séparée. Les pensions alimentaires sont corrélativement imposables entre les mains du bénéficiaire dans les conditions prévues à l’article 79 du CGI.
La prise en charge, ordonnée par un juge dans le cadre d’une ordonnance de non conciliation, du remboursement par un époux de la quote-part incombant à son conjoint d’un prêt contracté en commun pour l’acquisition du logement conjugal équivaut au paiement d’une pension alimentaire. Ce remboursement est admis en déduction du revenu imposable de l’époux qui acquitte les échéances de l’emprunt à hauteur du seul montant de la quote-part prise en charge pour le compte de l’autre conjoint. Corrélativement, cette somme constitue pour ce dernier un revenu imposable dans la catégorie des pensions en application des dispositions de l’article 79 du CGI.
Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance – JOAN 03/05/2022
Analyse fiscale
Là encore, une simplification s’impose, et nous ne parlons que du plan fiscal, l’analyse civile de la question et de la réponse étant identiques :
Pour l’époux débiteur de la pension alimentaire
Pour le conjoint qui doit la pension alimentaire au titre du devoir de secours, il semble assez intuitif de considérer comme une charge pour lui la prise en charge. C’est ce que confirme la réponse du Ministre. En l’occurrence, celle-ci peut être déduite des autres revenus de cet époux.
Mais attention : seulement pour la quote-part qui correspond à ce qu’il supporte en se substituant à l’autre époux. Si le montant remboursé à l’année est de 12k€ et que la quote-part des époux est de 50-50, ne correspond à une charge fiscale que 6k€.
Pour le conjoint bénéficiaire de la pension alimentaire
Pour l’époux qui bénéficie de la pension alimentaire, la situation est moins intuitive. Pour preuve, les éléments utilisés pour établir sa propre déclaration de revenus sont l’acte faisant naître la créance et les relevés de compte bancaire.
Dans le cas présent, est-ce que le conjoint:
- Dispose de l’acte faisant naître la créance ? Oui
- Constate le versement de la pension alimentaire entre ses mains ? Non
Il pourrait légitimement se dire “bon, vu que je ne perçois pas de revenus, je n’ai rien à déclarer”. Sauf que c’est justement le contraire.
La réponse vient simplement constater que plutôt que de faire un circuit financier
- Conjoint 1 -> Conjoint 2 -> Banque
Il est équivalent de faire directement
- Conjoint 1 -> Banque
Conclusion
Vous vous trouvez dans cette situation et vous n’avez pas déclaré la perception de ses pensions cette année ?
Si vous êtes dans les départements au-delà de 55, vous avez encore jusqu’au 7 juin pour déposer une déclaration rectificative.
Pour les autres départements, tout va bien, le service “corriger ma déclaration” sera en ligne début août, vous pouvez d’ores et déjà prendre rendez-vous dans ce but.
Sinon, nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine.