L’usufruitier d’une SCI n’est pas associé, mais…


L'usufruitier d'une SCI n'est pas associé, mais...

Nombreux sont ceux à présenter la Société Civile Immobilière (SCI) comme une martingale permettant un enrichissement certain et facile par l’intermédiaire de l’investissement immobilier.

Certes, la SCI est un bon vecteur de gestion patrimoniale, mais à condition toutefois d’être bien maîtrisé.

Dans la doctrine civile, l’usufruitier d’une SCI n’est pas associé, comme dans tout autre type de société d’ailleurs.

La Cour de Cassation nous a cependant précisé dernièrement qu’il y a des limites à respecter en la matière.

L’usufruitier d’une SCI n’est pas associé

Constitution de l’usufruit

Usufruit subi, par succession non préparée

Lorsque le défunt n’a pas préparé sa succession, il est régulièrement constitué un démembrement de propriété entre le conjoint survivant, usufruitier, et les enfants (communs ou non), nus-propriétaires. Tout le monde se retrouve alors en indivision, quels que soient l’entente entre les indivisaires et leurs intérêts respectifs, souvent en conflit.

Usufruit organisé, par ingénierie patrimoniale

A l’inverse, il est fréquent, en gestion de patrimoine, d’anticiper les questions de démembrement, en particulier pour favoriser la transmission.

Comme il est tout aussi fréquent de recourir à une société civile (immobilière ou non) dans le but d’organiser les prérogatives de chacun, il est légitime pour le praticien d’être attentif à l’imbrication de ces deux éléments.

La doctrine : l’usufruitier d’une SCI n’est pas associé (ou peut-être que si)

Comme en dispose l’Article 578 Code Civil :

« L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance »

Ad litteram, l’usufruitier se contente de jouir des fruits des parts sociales détenues par le nu-propriétaire. Dans le cas d’espèce, il s’agit en majorité de percevoir les loyers ou de bénéficier d’un droit d’usage d’un immeuble.

Ajoutons à cela les dispositions de l’article 1844 du même code :

Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

[…]

Si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.

Ni l’un ni l’autre, de l’usufruitier ou du nu-propriétaire, ne sont spécifiquement désignés comme associé, contrairement au 1er alinéa.

Est-ce cependant le début d’une reconnaissance de la qualité d’associé à l’usufruitier ?

L'usufruitier d'une SCI n'est pas associé, mais... la balance de la justice

Certainement pas, l’usufruitier d’une SCI n’est pas associé. N’oublions pas qu’il a le droit aux fruits des parts sociales. Il est évident dans ce cas que l’usufruitier préfèrera généralement le versement du résultat entre ses mains plutôt que l’affectation à des réserves quelconques dans la société, ce qui enrichit de facto le nu-propriétaire.

Certainement, l’usufruitier d’une SCI est associé. Dans la mesure où il bénéficie d’une prérogative dévolue aux associés : le droit de vote.

Voilà donc où s’en tenait la doctrine en la matière, entre deux positions non tranchées et chacune défendable.

Mais…

La Cour de Cassation veille au grain et l’a rappelé tout récemment (Avis de la chambre commerciale du 1er décembre 2021 (pourvoi 20-15.164), saisie dans le cadre d’une affaire civile).

Le résumé des faits : un désaccord familial avec une SCI interposée où des usufruitiers avaient demandé la convocation d’une assemblée générale pour révoquer la gérance. En première instance puis appel, les demandeurs sont déboutés au motif qu’ils n’ont pas la qualité d’associé.

l'usufruitier d'une SCI n'est pas associé, mais... la justice tranche

La Haute juridiction convoque alors l’article 39 du Décret n°78-704 du 3 juillet 1978 pour trancher, avec cependant un peu plus d’ambiguïté :

Un associé non gérant peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée

Et sa décision va in fine reprendre la logique de l’article 1844 du Code Civil pour protéger les droits fondamentaux de l’usufruitier :

L’usufruitier n’est pas associé d’une SCI

MAIS il est habilité à user des prérogatives de l’associé dès lors que son droit de jouissance est en jeu.

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